LE VERRE A FILIGRANE
Le « Vetro a filigrana », une technique ancestrale.
Le verre à filigrane – ou Vetro a fili – est né sur l’île de Murano au XVIème siècle. Si l’on en trouvait déjà des exemples primitifs durant l’Antiquité, c’est véritablement à partir de la Renaissance, et inspirés par la redécouverte du passé, que les maîtres verriers vénitiens développent leur art, parfaisant leurs techniques jusqu’à l’excellence. Grâce aux apports nouveaux de l’époque, leur virtuosité prend un envol spectaculaire et Venise devient la capitale du verre. En 1527, deux frères, Bernardo et Filippo Catani, mettent au point cette nouvelle technique de décoration. Il s’agit de créer un motif de bandes parallèles ou croisées, en appliquant sur le verre de minces baguettes colorées et étirées (généralement blanches, lattimo). En résultent des décors raffinés, d’une grande finesse et à l’ornementation géométrique sophistiquée. Ce travail complexe nécessite d’impressionnantes prouesses techniques – il ne faut pas moins de trois verriers pour le réaliser.
Deux techniques distinctes peuvent être mises en œuvre : le filigrane « a reticello » d’une part, aussi appelé « verre à double filigrane », réalisé selon un entrecroisement de baguettes, qui donne un motif en « résille » ou réseau. Et le filigrane « a retortoli » d’autre part, aussi appelé « verre à petites bandes de fils retordus » où les baguettes de verre contiennent des filets de verre blanc ou coloré retordus donc, c’est à dire tournés en spirale.
La production de verre à filigrane connaît une grande popularité aux XVIème et XVIIème siècles, et à travers toute l’Europe, pour s’essouffler quelque peu au XVIIIème siècle.
Au XIXème siècle cependant, les fornacci muranaises reviennent au filigrane – un retour au passé influencé par le développement du marché des antiquités. L’anecdote veut qu’un marchand vénitien, Antonio Sanquirico, ait apporté à Murano des pièces anciennes de verre filigrané à retortoli pour faire réaliser des copies dans le but de les vendre comme des objets anciens. Si l’intention n’est pas louable, elle a eu le mérite de relancer la production de verre filigrané. Les maîtres italiens revisitent alors leur tradition, tel Domenico Bussolin qui, à partir de 1838, va développer la technique, notamment en travaillant le verre dans une polychromie très vive.
Jeremy Maxwell Wintrebert et le verre à filigrane
Aujourd’hui la technique du filigrane inspire toujours les artistes qui ont su l’actualiser, l’appliquer à des propos et des motifs contemporains. Le souffleur de verre Jeremy Maxwell Wintrebert l’a découverte en 2003 alors qu’il assistait Fritz Dreibach, puis il s’est perfectionné à Murano en 2004 où il a vécu et travaillé un an auprès de Davide Salvadore. Depuis, il s’est totalement approprié ce savoir-faire qu’il utilise dans la réalisation de vases ou de luminaires.
Jeremy compare la technique du verre filigrané à la couture non seulement le processus mais aussi la conception, l’importance du dessin, de la forme imaginée, des couleurs, du travail d’équipe.
Pour lui, c’est une technique de pointe qui exige une grande maîtrise, beaucoup d’énergie, de concentration, d’émotions. La mettre en œuvre est un véritable challenge surtout que Jeremy aime souffler des pièces importantes où la difficulté se trouve alors décuplée d’autant que ce travail nécessite finesse et précision, les lignes doivent être régulières, bien définies.
Une fois l’objet créé, la technique s’efface au profit du résultat révélé. Son intention n’est pas de mettre la technique en avant mais de la dépasser, de la sublimer pour n’y voir plus qu’un « Fruit d’Esprit » « Spirit Fruit« , que « La lumière de l’Hiver », « Winterlight« , ou des « Vides » « Void » – des oeuvres dont les noms également dévoilent toute leur poésie.
S’il est conscient de l’ancienneté de ce savoir faire, et si les gestes anciens le fascinent, ses recherches se portent plutôt sur son époque, ses œuvres s’inscrivent dans le présent nous prouvant encore que la transmission reste un socle fondamental de l’innovation.
Le travail « En filigrane » de Jeremy Maxwell Wintrebert sera exposé à la galerie du 3 juin au 14 juillet 2015.